Danièle Méaux, Géo-Photographies, Filigranes Editions, 2015

Au pourtour des cités, l’automobile est indispensable au déplacement. De novembre 2006 à mars 2007, le photographe français Benoît Grimbert a suivi l’A 406 North Circular Road, qui trace un arc de cercle à la périphérie Nord de Londres – sur 25,7 miles – de l’ouest à l’est de l’agglomération.
La série qu’il réalise alors compte vingt-quatre vues en couleur de format carré. Point ici d’amples panoramas aux lignes puissantes et dynamiques. Les images montrent des espaces ordinaires, saisis à hauteur humaine ; le ciel est gris et, sous cet éclairage fade, il n’est ni ombre portée, ni tonalités saturées. La série a les allures sobres d’une collecte régulière – comme le suggère d’ailleurs la concision du titre : « A 406 North Circular Road ». Ce dernier ne livre pas seulement une information topographique, il signale aussi que les paysages donnés à voir sont des « espaces véhiculaires », autrement dit des sites que l’on n’atteint que par la route et qui sont indissociablement liés à la présence de cette dernière.
 
Sur les vues, les voies de circulation sont omniprésentes ; elles se déclinent éventuellement sur plusieurs niveaux et se combinent aux lignes ferroviaires. Quant aux aires réservées aux piétons, elles sont le plus souvent cernées de rambardes ou de barrières de protection : les promeneurs semblent devoir être préservés des automobiles. Des véhicules de toutes sortes peuplent les photographies, dont les humains se trouvent d’ailleurs quasiment éliminés. La végétation n’est pas absente ; elle apparaît le long des trottoirs ou au sein d’intervalles restés en friche entre les grandes artères. Des détritus émaillent ces zones vertes, qui se présentent aux antipodes de l’hortus conclusus puisqu’elles sont impures, disgracieuses et ouvertes sur une circulation ininterrompue. L’habitat, clairsemé, varie d’une vue à l’autre : il est quelques barres d’immeubles, mais surtout des pavillons pauvres… ainsi que des demeures plus cossues. Au sein des espaces mis en image par Benoît Grimbert, le tissu urbain semble se distendre, se relâcher ; le parcours de
l’A 406 permet au praticien d’ausculter le seuil où graduellement la ville se disperse et se délaie.
 
Les pylônes des lignes à haute tension, les poteaux, les lampadaires, très présents au sein des vues, constituent un rythme serré de verticales que viennent croiser – de façon plus ou moins perpendiculaire, selon les cas – les axes de circulation. Cette trame orthogonale fait écho au format carré des épreuves. Les espaces quadrillés, striés se présentent comme des aires où l’existence paraît très contrainte. Les images comportent un grand nombre de rambardes, murs, glissières de sécurité, grillages et barrières en tous genres : il est partout des limites et des frontières à même d’entraver le déplacement du piéton.